Nombreuses sont les personnes qui viennent me demander conseil pour se lancer en tant qu’ illustrateur/graphiste freelance ou simplement pour des astuces du quotidien. Et c’est avec plaisir que je tâche de les soutenir de mon mieux, sachant que moi-même je ne sais pas trop où ce chemin me mènera. Ce n’est pas tujours évident ! J’espère que ce premier article,qui aborde le délicat sujet de “ Se lancer en freelance”, du point de vue de la “psychologie” et des motivations, saura vous apporter quelques réponses.
Devenir illustrateur freelance ? La première question à se poser c’est…
“Pourquoi” ?
Tu aimes dessiner, illustrer,partager ton univers.
Lorsque tu crées, tu ne vois pas le temps passer, tu sens que c’est ton truc, et tu voudrais en faire ton métier. Quoi de plus normal !
Vouloir vivre de ta passion, c’est une belle chose. Et lorsqu’on y parvient, c’est vrai qu’il y a de quoi être fier de soi.
Au delà de l'”Amour de l’art” , certains rêvent de célébrité, de gagner beaucoup d’argent grâce à leurs créations, d’une vie d’artiste bohème, libre et sans la contraintes autres que celles de créer ce que bon leur semble…Si tu souhaites devenir illustrateur freelance pour l’une de ces raisons, il faut cesser de se bercer d’illusions 😉
Je suis certaine que si je te titille un peu, au fond de toi on trouvera l’une de ces motivations. C’est humain ! Mais c’est un danger.
Je vais te raconter une histoire.
C’est quatre illustrateurs, travaillant à leur compte, assez talentueux pour en vivre correctement. Chacun adore son travail, mais au fond d’eux, ils ont tous une aspiration profonde. Il y a celui qui rêve de gloire, l’autre qui souhaite devenir extrêmement riche, quant au troisième, il aime la liberté que lui procure le bonheur d’être son propre patron. Le quatrième aime simplement travailler et apprendre : il est passionné. Et ils vécurent tous très heureux, l’un devient un artiste reconnu, l’autre millionnaire et le troisième ne travaillait que deux heures par jour, passant le reste de son temps libre à flâner à la plage.
Voilà. C’est joli, c’est une fable.
Bien sûr qu’il existe des personnes qui se sont lancées en tant qu’artiste et qui ont connu un succès immédiat et fulgurant. Je le souhaite à n’importe qui. La vérité, c’est que justement ça n’arrive pas à n’importe qui, et 99% à des personnes qui ont énormément travaillé avant de connaître une certaine reconnaissance. Parce que c’est beau de nous vendre cette histoire là, ce jeune étudiant bohème qui possède un don. Mais ça, ça existe seulement dans les livres.
Je n’ai encore jamais croisé un seul artiste qui n’aie pas bossé d’arrache pied avant d’arriver à en vivre – à part des pistonnés mais bon, ça c’est pour chaque métier et c’est pas forcément un service, à long terme… .
Puisque j’ai l’occasion de côtoyer nombre d’illustrateurs dans mon travail ( naturellement, plein de copains ♥ ), j’en reviens donc aux quatre artistes auxquels je fais référence dans mon histoire. Plus précisément, des profils d’artistes.
Pourquoi se lancer en freelance pour la gloire, l’argent ou la liberté pose problème ?
Penser à l’argent, c’est bien. Il faut être réaliste : c’est un métier. Bien sûr qu’il faut des billes pour vivre. Viser haut, veiller à être bien rémunéré à hauteur de la tâche accomplie, c’est mieux : c’est professionnel.
Penser, qu’en devenant illustrateur freelance, tu vas gagner énormément d’argent et que ça va être facile : c’est illusoire. Et ça ne devrait pas être la motivation principale.
Ça arrive, heureusement, mais après des années de métier et/où parce que tu as su gagner un contrat juteux, et c’est pas souvent. Et c’est clairement pas le cas de tout le monde. D’ailleurs, ça fait aussi partie du travail de freelance de voir venir et de gérer les aléas financiers, car tu n’auras aucune garantie que ton travail plaise et t’emmène des contrats dans un avenir plus ou moins proche… Ni aucune garantie sociale si tes clients cessent les commandes subitement, d’ailleurs 🙂
Autre chose : les illustrateurs qui acceptent uniquement des contrats super bien payés, mais pénibles et qui n’apportent rien d’autre que de l’argent. J’ai lu une fois – je ne sais plus où, malheureusement – qu’entre deux contrats , l’un avec une super rémunération mais chiant, et l’autre moins rétribué mais passionnant et permettant d’apprendre des choses, il fallait toujours choisir le deuxième ; Je pense que c’est absolument vrai, dans une moindre mesure. Le but, c’est de vivre de son travail. Mais sur le long terme, il faut penser formation et épanouissement. L’argent, c’est important, mais il ne fait pas tout. La plupart des illustrateurs qui ne pensent qu’à la thune se retrouvent avec des contrats qui ne leur apportent rien en termes humains, en termes d’apprentissage, et voient leur travail s’appauvrir, stagner. Finalement, ils ne s’épanouissent pas et deviennent aigris, oubliant qu’à la base ils ont souhaité conjuguer épanouissement professionnel et passion. Au bout de quelques mois/années d’expériences, tu peux arriver à cloisonner entre “travail d’éxécutant” et “passion”. Mais cela prend du temps. Et la plupart des illustrateurs ont besoin d’une motivation autre que simplement gagner de “ l’argent”.
Alors oui, faire rentrer du pognon, c’est bien, mais ne penser qu’à ça, c’est dangereux pour son épanouissement artistique.
Second écueil, la célébrité. La, c’est aussi un problème sociétal, à cette heure d’internet ou toute le monde veut être populaire. C’est humain aussi de vouloir être reconnu, de voir que son travail est apprécié par d’autres. On fait ce métier pour ça : faire rêver et voyager des gens ! Mais beaucoup se perdent en route, et en oublient ces belles valeurs. Je connais une pléiade d’illustrateurs rivés sur le nombre de followers, ou qui vont produire uniquement des illustrations pour plaire à un certain public ( par exemple des fanarts ou un travail très inspiré d’un autre artiste populaire à l’instant T ), ou bien faire des vidéos / tutos sur Youtube sans réel intérêt autre que la promotion de leur personne et qui n’apportent rien de nouveau.
Encore une fois, c’est normal et sain d’être inspiré par d’autres. C’est super pour progresser que de tâcher d’atteindre le niveau d’un artiste qu’on apprécie, c’est formateur de faire des vidéos tutorielles. Mais cela doit être au service du fond, pas de la forme.
Soyez visionnaires : pensez en termes d’outils. Ces médias sont absolument indispensables aujourd’hui pour se faire connaître mais ne doivent pas vous desservir.
Combien d’illustrateurs foncent pour faire un site et des pages de réseau sociaux sans rien d’autre à foutre dedans que des croquis stériles tous les 36 du mois ? A quoi ça sert, sincèrement? Quitte à n’avoir rien à montrer, ne montre rien . Comme le dit le sage, si tu n’as rien à dire, tais toi 🙂 . Ben ton travail, c’est pareil !
La vérité, c’est que les illustrateurs les plus talentueux sont aussi… Les plus discrets.
Enfin, parlons de liberté. Être freelance, c’est être son propre patron. Gérer comme on le désire son planning, ses heures de travail, ses congés. Et ça franchement, c’est super 🙂
Mais être libre ? Bien sûr que non 🙂 Devenir freelance, c’est aussi accepter de s’enchaîner à une paperasse et des cotisations obligatoires, respecter les deadlines des clients ( quand bien même tu avais prévu des congés et que ça tombe mal en fin de projet … ), trouver du temps pour se former… En fait c’est pas mieux, pas pire qu’être salarié : c’est différent.
Ne pensez pas qu’on est libres de faire ce qu’on veut, non. Si on veut vraiment faire tourner son entreprise, il faudra passer par accepter, au moins dans un premier temps, d’être un mercenaire et de prendre le travail qu’on pourra trouver, même si cela ne correspond pas à nos idéaux graphiques. Au début de ma carrière en freelance, j’ai accepté desprojets ne correspondant pas à mes idéaux artistiques, car il fallait bien débuter quelque part. A présent, j’arrive à trouver des contrats me correspondant davantage, mais c’est loin d’être le cas de tous. Et c’est très bien aussi. Accepter des contrats sur des projets que nous n’aurions jamais imaginé travailler, c’est très formateur aussi. Cela permet de se diversifier et d’apprendre des choses totalement nouvelles qui nourrissent notre travail de manière différente.
Il ne faut pas oublier non plus qu’être illustrateur.trice freelance, ce n’est pas être libre : c’est être dépendant du goût des autres ( des clients, en l’occurrence ), contrairement à l’artiste plastique, qui, lui expérimente et propose un travail de recherche.
Ça ne veut pas dire qu’on peut/doit pas le faire nous aussi, pour notre épanouissement personnel. Cependant, ce n’est pas ce qu’on nous demande.
Il est nécessaire de chercher un/des styles graphiques et de tester divers rendus, pour faire évoluer son travail, toucher de nouveaux clients et se rapprocher artistiquement de ce qu’on cherche à produire. Il faut se dégager du temps pour expérimenter. Mais ce temps-là, il est hors du temps de travail effectif. Le client, il s’en fiche des états d’âme d’artiste torturé et en quête d’une réalisation graphique et de ton épanouissement.
Ce qu’un client désire, c’est que sa commande soit effectuée en temps et en heure. Point barre. Ta “liberté” de temps et ton expérimentation artistique existe, mais hors de ce temps de travail qui te sert à faire vivre ton entreprise – c’est à dire, toi.
Il est vrai que toutes ces informatiosn peuvent refroidir. Ce sont des situations que je vois tous les jours, et c’est du gâchis. Cet illustrateur super talentueux qui depuis des années ne cherche qu’un poste qui lui rapporte de la thune et dont le travail n’est plus que l’ombre de ce qu’il savait produire. Ce collègue qui pense que sa chaîne twitch/ son patreon/ son tepee lui apportera la célébrité tant convoitée ou qu’il se fera remarquer par une boîte, mais qui au final ne réfléchit qu’en termes de followers et dont la carrière n’a jamais décollé. Celui-ci encore qui travaille d’arrache pied ses skills sans se poser la question de la patte graphique ou si simplement il est fait pour ça et s’il y a du travail dans ce domaine là. Et tous les autres qui ont souhaité se lancer dans l’aventure de l’auto-entrepreunariat pour être libérés de toute hiérarchie, mais qui n’ont jamais rien planifié et se sont laissés déborder par le travail, au mieux, ou n’ont jamais dégoté l’inexorable premier contrat, au pire …
La thune, la célérité, la liberté, c’est la récompense d’un long et fastidieux chemin parcouru. La fin, pas un moyen. Et dans tous les cas, la passion reste le principal moteur.
Sans passion, sans véritable amour pour le dessin, je ne crois pas qu’on puisse tenir la distance.
Parce que la vérité, c’est que la plupart d’entre nous bossent comme des dingues pour joindre les deux bouts et/ou s’offrir une vie un minimum confortable, ne savent pas ce que c’est que de compter leurs heures, ni un weekend complet, donnent la priorité à leur travail plutôt qu’à l’éventualité d’un repas entre amis – deadline oblige – bref, oui on est tous un peu masos, admettons-le. Mais c’est aussi parce que si on a pas cette étincelle, ce besoin vital d’explorer et de créer, qu’on peut faire un métier qui “envoie du rêve”, mais dont les abords sont “un peu” ingrats quand même.
Le talent, c’est du travail.
La reconnaissance, c’est juste la cerise sur la gâteau. Ça peut arriver comme ne jamais arriver. Et franchement, la cerise, on s’en fout un peu. C’est joli, mais l’important, ça reste quand même d’avoir de bons ingrédients, de bien cuisiner le gâteau, de savoir pour qui ont le fait, comment on va le présenter, par qui il va être mangé et combien on va toucher pour ça. Bref, je m’égare un peu en métaphores mais vous avez saisi l’idée 😛
Maintenant qu’on sait pourquoi tu veux faire ce métier, on vient à la seconde question …
Qui es-tu ?
Dans le cas d’une personne qui désire se lancer en tant qu’illustrateur freelance, il y a trois grands cas de figure : tu es étudiant, employé, où tu souhaites te reconvertir.
• Tu es étudiant
Si tu es étudiant ( en école d’art , peut-être ? ), je gage que tu viens de prendre tes premières claques. Ou par tes profs si tu viens de commencer, qui vont détruire toutes tes illusions de devenir mangaka ou character designer. Ou en fin de cursus, face aux refus à tes nombreuses demandes de stages et d’emploi auxquels tu as postulé. Devant ce mur de fatalité sur lequel viennent de s’écraser toutes tes illusions et tes rêves de devenir un artiste de renom ( désolée 😛 ), tu t’es dit que finalement, personne n’avait rien compris à ton travail, pardon, ton Art, et que tu allais te lancer à ton compte pour leur prouver ta valeur. Première chose : garde ce feu, cette rage. Elle est bonne pour ton évolution. C’est un bon carburant, mais il faut lui trouver l’utilité adéquate. Et surtout, la transformer en valeur positive ! ( Ne pas devenir un rageux aigri, quoi. )
Je suis passée par là, comme toi.
A moins que devenir illustrateur freelance soit tout simplement ton désir, ton plan de carrière, de bosser à ton compte. Tu en veux. Et ça, c’est super aussi !
Dans les deux cas, en tant qu’étudiant, tu es tout neuf et tu n’as pas beaucoup d’expérience professionnelle. C’est là que le bas blesse.
Commencer un job dans une boite, c’est la garantie d’un salaire. D’une vie à commencer. De personnes autour de toi qui vont te former et te guider. D’un réseau professionnel qui se dessine. D’une petite sécurité dans le cas où tu perdrais ton emploi. C’est déjà difficile de se lancer dans la vie professionnelle, alors tout seul, il faut vraiment une sacrée force de volonté !
Evidemment, c’est possible. Cependant, il va falloir apprendre sur le tas et en un temps record ce que d’autres personnes avec plus d’expérience auront mis des années à comprendre : gestion d’un planning, carnet d’adresses, paperasse … Et faire beaucoup de sacrifices. Mais tu as avec toi ta jeunesse, ta motivation, ta curiosité, ta liberté. Le droit de faire des erreurs. Alors après-tout, pourquoi pas ! S’il y a bien un moment dans la vie où on peut essayer des trucs et faire des erreurs, c’est maintenant ! Si le monde du travail te ferme ses portes, personne ne t’empêche de prendre le petit chemin, de t’auto-former et de postuler sur des projets en freelance. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Just do it 😉
Toutefois, je pense qu’une première expérience du domaine professionnel en tant que salarié est indispensable pour apprendre une masse impressionnante de savoirs – seul et à son compte, tu risques de rater tout ça et ça peut te faire défaut. Se lancer en freelance juste après ses études – à mois d’être super mature et d’avoir déjà des contrats dégageant un salaire minimum – ne devrait être que la dernière solution a envisager. Mais ce n’est que mon avis personnel par rapport à mon propre parcours.
• Tu es employé
À dire qu’à l’heure actuelle, tu es déjà illustrateur au sein d’une entreprise, ou bien tu as une expérience professionnelle, ou bien tu viens de démissionner/être licencié, que sais-je. Tu as l’impression de ne pas évoluer comme tu le voudrais, tu souhaite élargir ton panel de compétences. Quelques soient tes raisons, tu sens l’appel de la liberté. Tu as avec toi tes bagages, ton expérience, des défaites et tes coups d’éclat. Tout ça, c’est en toi. Prendre le risque de perdre un confort relatif et se mettre en danger face à l’inconnu demande un courage certain. Tes craintes sont compréhensibles.
Peut-être mon expérience pourra t’aider à prendre la bonne décision.
J’ai été salariée durant cinq ans au sein d’une entreprise ( j’écrirais un article un de ces quatre sur mon cursus ) mais j’ai toujours travaillé à côté pour différents prestataires en tant qu’auto-entrepreneur avec l’accord de mon employeur. Ainsi, ma petite expérience en tant qu’auto-entrepreneur m’aura permis d’avoir une idée de la question d’un boulot libéral, d’éviter quelques écueils, et surtout d’avoir déjà un carnet de clients.
Je ne vais pas te cacher que ça a été difficile de concilier un boulot à plein temps et un taf de freelance. À l’époque, nombreux étaient les collègues qui me disaient que je devrais profiter de mon temps libre, que j’étais tarée de bosser comme ça sur des projets à côté.
Je ne faisais pas ça pour l’argent, parce que c’est pas pour ce que ça rapportait … Et puis c’étaient souvent de petits projets d’amis, de petits clients, du dépannage. Alors pourquoi m’infliger ça ? Tout simplement parce que, si je n’en avais pas encore conscience, je dépérissais dans mon travail. Pourtant, c’était un travail créatif. C’était censé l’être. Ce job aurait pu convenir à de nombreux créatifs, qui se seraient contentés des tâches données tout au long de la semaine, et de passer leurs weekends à se reposer où à faire des trucs sympas.
Mais j’avais besoin de trouver l’étincelle ailleurs, puisque je ne la trouvais pas dans mon travail. Je sais à présent que j’ai besoin de défis. Besoin d’apprendre. Bosser à côté m’a permis de me tester auprès de nombreux clients, de me former et d’apprendre des choses que je n’avais pas l’occasion de voir dans mon taf.
Ainsi, quand s’est posé la question de me lancer en freelance, j’avais déjà mis un pied dans le bain.
Quand on a été employé, c’est pas forcément facile de se lancer en freelance. Contrairement à l’étudiant, libre de toute attache, on a déjà commencé sa vie, on a une famille, peut-être des enfants, des charges, ect. Mais je pense qu’être déjà employé en tant qu’illustrateur ou graphiste est la meilleure configuration pour se lancer.
Si je peux te donner un seul conseil : il vaut mieux des remords que des regrets. Les premiers temps sont toujours plus difficiles, mais qui t’empêche de commencer à regarder ailleurs, à faire tes propres projets, à démarcher des clients, petit à petit ? Et quand tu sentiras que c’est possible de prendre ton envol, tu partiras, voilà tout.
Si tu es salarié depuis longtemps, n’hésites pas à regarder les différentes aides qui te sont accessibles. Pour ma part, j’ai signé une rupture conventionnelle avec mon ex-employeur, puis je me suis inscrite à pôle emploi pour suivre une formation et me lancer en parallèle. Des solutions existent. Ne baisse pas les bras avant d’avoir analysé toutes les options. Se poser la question de devenir freelance, c’est un peu comme avoir envie d’une glace au chocolat. On se dit que c’est pas raisonnable. Une fois que l’idée est dans son esprit, c’est un peu difficile de l’occulter. Et une fois qu’on y a goûté, on sait qu’on aurait eu tort de s’en priver… Je dis ça comme ça 😉
• Tu veux te reconvertir
Je te tire mon chapeau. Il faut une bonne dose d’audace pour changer de voie ! Et en France, ces changements d’aiguillage ne sont, malheureusement, pas très bien vus. Ce qui est une belle connerie selon moi mais bon.
En premier lieu, il ne faut pas oublier que l’illustration, et tout ce qui concerne le domaine artistique, c’est un véritable travail. Si tu désires en vivre, il va falloir bosser, et bosser dur ! Illustrateur freelance, ce n’est pas un hobby. On doit lutter chaque jour pour prouver que non, on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche et que oui, même si on fait un travail-passion, il mérite un salaire, comme n’importe quel job.
Personnellement, je n’ai jamais été dans ce cas de figure. J’ai toujours su ce que je voulais faire dans la vie. C’est pour cette raison que je trouve que les personnes qui se révèlent face à une vocation tardive, je les trouve vraiment très courageuses.
Cependant, je me pose la question de la formation et de l’apprentissage. Savoir dessiner, c’est bien. Savoir répondre aux besoins graphiques d’un client, utiliser les logiciels appropriés, exporter les formats, travailler avec des gabarits, ect, c’est essentiel. La masse de connaissances à emmagasiner est assez titanesque, et sans formation au préalable, c’est plus compliqué de franchir le cap, mais c’est tout à fait possible pour qui le veut vraiment.
À mon avis, il s’avère préférable de ne pas se former auprès d’organismes recommandés, par exemple, par Pôle Emploi. Ils sont à 100 000 lieux de connaîtres les réalités de notre tâche au quotidien. La plupart ne sont que des pompes à frics de subventions.
Soit tu es au chômage, et tu as du temps. Ou bien tu es employé dans un domaine étranger à l’illustration et au graphisme. Dans les deux cas il va falloir te former à un métier à part entière.
Mon conseil serait donc d’une part, d’aller à la rencontre de créatifs et d’illustrateurs freelance et de discuter avec eux de leur activité. Avouons-le, la plupart ont énormément de travail et te zapperont, mais certains sont sympas et t’expliqueront. En second lieu, auto-forme toi. Il y a énormément de tutos gratuits disponibles sur le web à qui sait chercher. Et, chose primordiale, confronte-toi aux réalités du terrain. Réalise des projets personnels correspondant à ce que tu souhaite faire, fréquente des forums, montre tes réalisations, demande conseil, postule à des appels d’offre, juste pour voir. Ça te permettra de voir si ton projet de reconversion est viable, si ton travail créatif est intéressant, où si il faut simplement garder l’illustration comme un hobby.
Il n’y a pas de mal à ça, vraiment. Dessiner pour le plaisir, et illustrer des projets pour un client, cela n’a absolument rien à voir. Dans tous les cas, tu n’as d’autre choix que de tester des choses, travailler, apprendre et progresser. Tu sais ce qu’il te reste à faire : à ton crayon/stylet !
Bref …
Pour devenir illustrateur freelance, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise situation. Et il n’y a pas de bon ou de mauvais moment. Si l’envie est là, si tu sais que c’est ce dont tu rêves, alors essaie. Casse-toi la figure. Recommence. Parce que dans tous les cas, et comme dans toute discipline artistique, ce sera ton lot quotidien : apprendre la résilience.
En revanche, il y a de bonnes, et de mauvaises raisons. C’est pour ça qu’avant de se lancer, il est essentiel de se poser des questions à propos de sa motivation personnelle.
Tout le monde ne peut pas être salarié. Tout le monde ne peut pas être freelance. Et au cours d’une carrière professionnelle, tout peut changer.
Quand j’ai débuté dans ce métier, par des stages, puis en tant que salariée dans une entreprise, je n’aurai pas tenu un mois en freelance. J’étais trop perfectionniste et trop idéaliste. Réaliser un projet m’aurait pris dix fois trop de temps, ce qui n’était pas viable. Le monde de l’entreprise m’a appris à devenir réaliste, prudente, et à travailler en équipe. Par la suite, le salariat n’a plus été possible et la porte du freelance s’est entrouverte. Et pour le moment, je ne me revois pas redevenir salariée, mais ça ne veut pas dire que ce sera ainsi jusqu’à la fin de ma carrière … Tout peut toujours changer.
C’est à toi de te poser les bonnes questions et d’évaluer la situation. Voici une petite liste – non exhaustive – qui pourra peut-être t’aider à y voir plus clair ( Il s’agit de mes propres questionnements lorsque je me suis lancée 😉 ) :
- Suis-je assez mûr-e et responsable pour me lancer et subvenir à mes besoins en freelance ?
- Ai-je un minimum de sécurité financière ?
- Mon caractère est-il compatible avec un travail en freelance ? ( nécessite un soupçon de résilience, de gestion du stress et surtout, de l’autonomie ! )
- Est-ce que mes connaissances du milieu professionnel dans lequel je souhaite évoluer sont suffisantes ?
- Quel(s) services graphiques-d’illustration- d’animation ect, vais-je proposer ?
- Y-a-t-il un marché pour ces savoirs-faire que je compte proposer ?
- Suis-je fait pour le rendu graphique que je veux proposer ? Par exemple, si tu souhaite devenir character designer et que tu ne sais dessiner qu’un type de personnage et que tu n’y connais rien en anatomie, es-tu prêt à vraiment bosser sur tes lacunes ? Sachant qu’il y a très peu de projets qui vont demander ces compétences ? Concept Artist sans réelle culture numérique et multimédia ? Background designer sans piger que dalle à la perspective ? Certains – comme moi par exemple ^^ – vont idéaliser les illustrateurs ultra-réalistes alors qu’ils sont fait pour des personnages / environnements stylisés et des couleurs pop … On est tous faits pour quelque chose, mais souvent on confond ce qu’on aime avec ce qu’on est et ce dont on est capables.
- Quels sont les illustrateurs qui ressemblent à ce que je souhaite réaliser ? Puis-je vraiment m’en inspirer ? Quelle est leur carrière ? Est-elle envisageable/adaptable à mon profil et à ma situation ?
- Quels sont les types d’entreprises que je pourrais démarcher ? Cherchent-elles actuellement des prestataires comme moi, ou ont-elles des projets coïncidant avec les services que je propose ?
- Quelles sont les démarches à effectuer pour devenir illustrateur freelance ?
Ces questions – que je me pose toujours de temps en temps, pour me recentrer – m’ont aidé à mettre des mots et des balises sur les idéaux et les peurs que j’avais en me lançant en freelance.
On arrive à la fin de ce “petit” article, qui, j’espère, vous aura permis d’y voir plus clair sur mon métier et sur vos envies professionnelles. Souvenez-vous que, de toute façon, vous êtes le seul maître à bord du gouvernail de votre vie, et que personne ne pourra ni décider à votre place, ni vous donner de meilleurs conseils que vous-mêmes 🙂
Comme d’habitude, n’hésitez pas si vous avez des questions, si vous n’êtes pas d’accord avec ce que j’écris, je serai présente pour débattre, préciser et répondre 🙂
Bon courage à vous !
Le lieu qui m’a servie de référence pour l’illustration de cet article est le Hairloom & Caramel Café 🙂
STPo
Salut,
Je rejoins beaucoup de points abordés par ton billet, dans lequel je retrouve mon propre parcours et pas mal de mes conclusions.
Un mot tout de même sur la “passion” et le fait de ne pas compter ses heures, de bosser le week-end et de zapper ses vacances parce qu’on a une deadline : je ne sais pas depuis combien de temps tu es dans le métier, mais si je me base sur ma propre XP (13 ans de free cette année) je dirais que ça ne dure qu’un temps. À un moment dans sa vie, la “passion” n’est plus le moteur, ou plus le seul, et on découvre l’importance de donner la priorité à d’autres choses.
Moi aussi j’ai passé mes nuits sur ma Wacom à bosser mes skills comme un forcené, mais je ne fais plus ça et je ne le ferai plus : à un moment tu n’as plus envie de ça, tu as atteint une maturité suffisante pour te reposer (en partie) sur tes acquis et ton expérience, et tu as envie de picoler avec tes potes et de voir tes gosses grandir.
Ça ne veut pas dire arrêter de progresser ou se reposer sur ses lauriers, ça veut juste dire rééquilibrer la balance. Le métier-passion est un piège assez vicelard…
Myrtille
Bonjour STPo ,
Ravie de faire ta connaissance et de découvrir ton fabuleux travail !
Je suis d’accord avec toi sur le travail de “passion” : le travail forcené et par amour du dessin ne peut durer qu’un temps. Mais ce message s’adresse avant tout à des jeunes qui désirent se lancer, et je persiste à penser que pour eux, la passion est un élément primordial, car vraiment on ne peut pas tenir la cadence ou se découvrir sans passion pour ce qu’on fait.
Tu dis que la passion n’est plus “le” moteur, en tout cas plus le seul moteur, ce qui m’incite à croire que tu restes quand même ” passionné” par ton travail quelque part, du moins je l’espère 🙂 !
Quand on commence à avoir du skill on devient plus malin, et on sait où mettre nos efforts et quand s’arrêter. J’en suis là aujourd’hui. D’ailleurs, le second article que je prépare traitera de ça également.
En tout cas, je parle pas forcément d’une passion descructrice et ravageuse de l’étudiant(e) qui ne sort plus et qui ne fait que travailler ses compétences jours et nuit, mais simplement d’un amour du travail qui permet de faire face aux nombreux aléas de notre travail 🙂
J’en conviens, comme toi, qu’il faut savoir s’arrêter et prendre soin de soi…
Merci encore de m’avoir lue, je vais lire également tes articles avec plaisir !
STPo
On est bien d’accord =)
Pour les articles tu auras vite fait le tour chez moi, je n’écris plus…
(Et merci sinon !)